Dans les vignes bretonnes, la biodiversité cultive l’avenir

13/07/2025

La Bretagne viticole : un jeune terroir déjà très investi dans le bio

Pendant longtemps, la production de vin en Bretagne était confidentielle, voire anecdotique. Pourtant, la vigne fait un retour remarqué sur les côtes armoricaines depuis une vingtaine d’années. Avec une passion commune : réinventer une viticulture où la biodiversité n’est pas une cerise sur le gâteau, mais la promesse même de vins vivants et uniques.

Le chiffre parle de lui-même : plus de 70% des nouvelles exploitations viticoles bretonnes revendiquent un engagement en bio ou en conversion (France 3 Régions). Les pratiques visant à favoriser la biodiversité sont donc indissociables de cette nouvelle culture viticole régionale.

Pourquoi favoriser la biodiversité dans les vignes ?

  • Résilience naturelle : Plus un écosystème est diversifié, plus il est résilient face aux maladies, ravageurs, stress hydrique, ou au dérèglement climatique.
  • Qualité des raisins : Un sol vivant, riche en microfaune et flore, favorise la maturation harmonieuse et la expression du terroir.
  • Moins d’intrants : La biodiversité limite le recours aux traitements chimiques, ce qui correspond à l’esprit du bio… mais va parfois encore plus loin.

Comme le résument certains vignerons bretons : “On ne cultive pas que des raisins, on cultive tout un monde !”

Les pratiques concrètes des viticulteurs bretons pour encourager la biodiversité

1. Les haies champêtres : corridors de vie et refuges à faune

En Bretagne, l’héritage bocager n’est pas une légende. Les viticulteurs bio intègrent souvent la plantation ou la restauration de haies autour des parcelles. Au-delà de la simple délimitation, ces haies servent à :

  • Abriter une multitude d’oiseaux insectivores, auxiliaires naturels dans la lutte contre les ravageurs de la vigne.
  • Offrir un habitat aux reptiles, amphibiens ou petits mammifères utiles au sol.
  • Contribuer à la régulation hydrique et à la protection contre le vent salin.

On note, par exemple, que sur le domaine de Rhuys en Morbihan, ce sont plus de 350 mètres de haies diversifiées qui ont été plantés en 2022, associant aubépines, noisetiers, prunelliers et chèvrefeuilles (Bretagne Presse).

2. Enherbement : laisser pousser la vie entre les rangs

L’époque du sol nu systématique entre les ceps est bel et bien révolue sur bon nombre de domaines bretons. L’enherbement maîtrisé des inter-rangs — qu’il soit naturel (flore locale spontanée) ou semé (mélange de graminées et légumineuses) — offre plusieurs bénéfices :

  • Alimentation de la vie du sol : Les micro-organismes trouvent abri et nourriture, stimulant la structure et la fertilité du sol.
  • Accueil des pollinisateurs : Nombre d’espèces de fleurs attirent abeilles, syrphes ou papillons, essentiels à l’équilibre écologique.
  • Amélioration de la régulation thermique et hydrique : L’herbe limite l’évaporation et tamponne les excès d’eau (un atout avec les épisodes de pluie bretons).

Certains vignerons sélectionnent jusqu’à 8 ou 10 espèces différentes dans leurs mélanges pour maximiser l’accueil de la biodiversité : trèfles, sainfoins, fétuques, luzernes, phacélies… Ces prairies miniatures s’observent de Carnac à Brocéliande.

3. Nichoirs, hôtels à insectes et abris pour la faune : l’hospitalité avant tout

Différents ouvrages semi-naturels sont volontairement installés pour attirer des auxiliaires :

  • Nichoirs à chauves-souris : Ces insectivores nocturnes peuvent dévorer jusqu’à 3000 petits insectes par nuit, participant à la régulation biologique des vers de la grappe (source : Muséum National d’Histoire Naturelle).
  • Hôtels à insectes : Refuges pour coccinelles, osmies, chrysopes et autres prédateurs naturels d’acariens et pucerons.
  • Monticules de pierres : Cachettes appréciées des lézards et orvets, autres alliés du vigneron bio.

Le domaine Les Longues Vignes, dans le Finistère, a répertorié une hausse de 40% du nombre de nids occupés par des passereaux depuis l’installation de ces nichoirs en 2019.

4. Bandes fleuries et couverts végétaux : festin pour les pollinisateurs

Les bandes fleuries, souvent semées à proximité des vignes, servent de “restaurant permanent” aux insectes butineurs et pollinisateurs, dont certains sont menacés au plan national (le déclin des abeilles a atteint 30% dans certaines zones françaises selon l’INRAE).

  • Lavande, lotier, bourrache, vipérine : Autant de plantes rustiques qui colorent et parfument les abords des vignes, tout en accueillant pollinisateurs et prédateurs d’insectes nuisibles.

Sur l’ensemble des exploitations bio suivies par la Chambre d’Agriculture de Bretagne en 2023, près de 80% déclaraient avoir recours à au moins une bande fleurie de plus de 100 m² (Bio Bretagne).

5. Gestion douce du sol et absence de pesticides de synthèse : un microcosme préservé

Le bio, ce n’est pas que refuser les produits chimiques… c’est également choisir des itinéraires de travail du sol respectueux. Certains domaines n’hésitent pas à réduire la mécanisation, à pratiquer le paillage ou remettre en vigueur la traction animale pour que la microfaune du sol prospère.

  • La vie microbienne est alors 30% plus abondante dans ces sols (source : étude Agreste Bretagne – 2023).

Des analyses menées à Saint-Suliac ont montré que, dans les vignes en agriculture biologique depuis plus de cinq ans, on comptait en moyenne :

  • 12 espèces différentes de vers de terre (contre 3 à 4 en conventionnel sur les mêmes terroirs à proximité)
  • Une biomasse racinaire doublée

Des chiffres qui témoignent du succès des pratiques en Bretagne

  • Le Monitoring de la Biodiversité en Vignoble Atlantique (2022) révèle une augmentation de 35% de la richesse spécifique dans les vignes engagées en agroécologie par rapport aux témoins conventionnels.
  • Selon l’Observatoire régional de l’environnement, la présence d’abeilles sauvages dans les vignobles bretons a progressé de 150% en dix ans au sein des exploitations bio, alors qu’elle stagne, voire régresse, ailleurs.
  • En 2023, les parcelles viticoles engagées en bio représentaient près de 100 hectares en Bretagne, un chiffre ayant doublé en cinq ans (source : Chambre d’Agriculture de Bretagne).

Au-delà des chiffres, certains vignerons témoignent du retour d’espèces emblématiques jamais revues depuis la fin du XIXe siècle, comme le bruant zizi ou certains papillons « de bocage ».

Une dynamique collective et des partenariats locaux innovants

  • Des projets participatifs, tels que “Vigne & Nature en Bretagne”, réunissent viticulteurs, citoyens, écoles et chercheurs pour des suivis de terrain et des actions pédagogiques.
  • Les viticulteurs bretons coopèrent fréquemment avec des apiculteurs locaux en installant ruches et zones mellifères, mais aussi lors de diagnostics croisés sur la santé de la faune sauvage.
  • Pilotage de chantiers collectifs pour restaurer des mares, véritables oasis de biodiversité depuis la presqu’île de Rhuys jusqu’au pays de Retz.

Les initiatives autour du maintien de races locales d’ovins ou de pâturage ovin extensif sous les rangs, expérimentées à la cidrerie-vignoble du Goëlo, témoignent de cette volonté d’intégrer la vigne dans un écosystème paysan global.

L’esprit breton : redonner du sens au terroir… et à la convivialité

Favoriser la biodiversité, ce n’est pas seulement une affaire de technique. C’est aussi une certaine vision du vin : un produit vivant, enraciné dans la richesse des paysages et des traditions locales. Cela se prolonge jusque dans la manière dont les vignerons accueillent le public : visites nature, dégustations “au pied des haies”, ateliers sur la faune et la flore du vignoble…

En Bretagne, la biodiversité dans les vignes n’est pas une mode. C’est un marqueur fort de l’identité viticole locale, où la protection des écosystèmes rime chaque jour avec plaisir partagé, créativité et fierté d’un terroir jeune — mais déjà lumineux.

Lever son verre à la diversité des sols, des cépages et de la vie dans les rangs, c’est aussi trinquer à l’avenir de la vigne bretonne. Et le paysage sensoriel – entre embruns, parfums de fleurs sauvages et promesses d’un vin authentique – ne demande qu’à être savouré, le temps d’une promenade… ou d’une belle dégustation partagée.

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