Viticulture bio en Bretagne : trouver l’équilibre entre cohérence, durabilité et terroir

13/06/2025

La viticulture bio en Bretagne : un renouveau engagé sur un terroir d’exception

La Bretagne vit aujourd’hui un moment charnière : la vigne revient sur ses terres, réinventant le paysage agricole local et bousculant les repères de la filière viticole française. Les chiffres parlent : en 2023, la région recensait près d’une vingtaine de domaines viticoles, dont la majorité travaillent selon le cahier des charges de l’agriculture biologique (source : Observatoire de la viticulture en Bretagne). Cet essor soulève une vraie question : comment façonner une viticulture à la fois cohérente avec le terroir breton, durable pour l’avenir et fidèle à l’esprit bio ?

Cohérence, durabilité... De beaux mots qui prennent tout leur sens ici, sur ces collines exposées aux vents d'ouest, là où la vigne ne poussait plus depuis bien longtemps. Mais qu’est-ce que la cohérence, appliquée à la viticulture bio bretonne ? Et surtout, comment ne pas perdre de vue l’avenir en bâtissant une filière vraiment durable, respectueuse de ses paysans comme de son environnement ?

Définir la cohérence en viticulture bio : plus qu’un logo, un engagement quotidien

En Bretagne, la cohérence en viticulture bio ne se limite pas à respecter le cahier des charges européen ou à arborer le label AB sur une bouteille. C’est avant tout un choix global, une vision que chaque vigneron ajuste à sa réalité : climat, sols, identité locale et contexte social.

  • Respect du terroir breton : Les cépages sélectionnés ne sont pas choisis au hasard : le Johanniter, le Solaris ou le Souvignier gris (issus de croisements naturellement résistants aux maladies) font leur apparition dans les rangs, tandis que certains osent relancer le Chenin ou le Pinot Noir. L’objectif ? Adaptation, robustesse et expression singulière du terroir breton, plutôt que simple mimétisme des grands vignobles.
  • Adaptation climatique : Le climat océanique breton, souvent humide et frais, impose des pratiques spécifiques : densité de plantation, conduite en hauteur pour limiter les maladies fongiques, gestion rigoureuse de la vigueur… Ici, la cohérence, c’est aussi composer avec la météo changeante du Golfe du Morbihan comme du Trégor ou du Pays de Brocéliande.
  • Choix humains et éthiques : La cohérence s’exprime aussi dans la taille humaine des exploitations, le refus de certaines solutions chimiques autorisées en bio (cuivre limité, pas de traitements de confort), la préservation des haies et la biodiversité alentour.

On le voit : chaque décision de culture, chaque geste, est pesé pour qu’il ait du sens localement. Pour preuve, de nombreux domaines s’impliquent dans des actions collectives, comme la co-création du Syndicat des Vignerons Bio de Bretagne en 2022, ou les essais sur porte-greffes résistants menés avec la Chambre d’Agriculture locale.

Durabilité : bien plus qu’un engagement court terme, une vision de long terme

Le défi de la durabilité est intrinsèquement lié à celui du bio, mais il ouvre à des dimensions plus larges : économiques, sociales, environnementales.

Des pratiques agroécologiques adaptées à la Bretagne

  • Réduction de l’empreinte carbone : Plusieurs domaines privilégient le travail manuel, des tontes réduites ou l’utilisation de traction animale, comme chez Domaine La Bergère dans le Morbihan.
  • Protection de la biodiversité : Introduction de couverts végétaux entre les rangs, aménagement de zones refuges pour les pollinisateurs, replantation de haies bocagères : ces gestes favorisent un écosystème résilient, important face à un climat de plus en plus imprévisible.
  • Gestion responsable de l’eau : En Bretagne, la vigne doit souvent composer avec des saisons humides mais aussi des épisodes de sécheresse. L’irrigation reste exceptionnelle, mais la gestion de l’eau passe par la structuration des sols, le paillage et la réutilisation des eaux de pluie pour certains usages.

Économie locale et solidarité : consolider un modèle breton

Durabilité économique, c’est aussi offrir un modèle qui tient la route pour les familles de vignerons. Cela passe par une transformation locale (vinification sur place), la mise en marché en circuit court (marchés, AMAP, épiceries bio régionales), mais aussi la diversification : certains producteurs créent des boissons hybrides, kombuchas de raisin ou mistelles, en combinant leurs raisins à d’autres spécialités locales.

Avec moins de 200 hectares plantés à l’heure actuelle (source : Plaidoyer V’in Breton 2023), la viticulture reste un « microcosme » breton. Pourtant, elle pèse déjà dans l’économie locale, en lien étroit avec l’œnotourisme, de plus en plus recherché, et la dynamique de relocalisation alimentaire.

Les innovations bretonnes : allier tradition, bio et expérimentation

Si la Bretagne n’a pas (encore) la longue tradition vigneronne de la Loire, elle se distingue par une approche innovante et collective. De la sélection des cépages jusqu’à l’embouteillage, la volonté de progrès irrigue l’ensemble de la filière.

Cépages résistants : une clé pour limiter les intrants et incarner le terroir

  • Après des décennies d’interdiction des cépages hybrides, la Bretagne expérimente le Johanniter, Solaris, Muscaris, des variétés plus résistantes au mildiou et à l’oïdium. Leur utilisation permet de limiter au minimum les traitements à la bouillie bordelaise (cuivre et soufre), réduisant ainsi la pression sur les sols et la santé humaine (wein.plus).
  • Cela assure une cohérence avec la philosophie bio, qui consiste à prévenir plutôt que guérir, tout en forgeant une signature aromatique propre à la Bretagne : notes d’agrumes, vivacité, tension, avec parfois des touches iodées, héritées de la proximité de l’Atlantique.

Agroforesterie et biodiversité : la vigne comme écosystème vivant

  • L’association arbres-fruitiers et vignes, remise au goût du jour, favorise la résilience face aux aléas climatiques tout en offrant d’autres ressources économiques et écologiques aux exploitants.
  • Certains projets pilotes associent la vigne à la culture de légumineuses ou de graminées, jouant un rôle protecteur contre l’érosion, la sécheresse et favorisant la vie du sol.

Vinification low impact et valorisation du terroir

  • Des cuvées sans soufre ajouté, des vinifications en amphores, en œuf béton ou en cuve inox pour limiter l’empreinte énergétique : la modernité s’allie à une volonté de « laisser faire » le raisin.
  • Les profils aromatiques qui en résultent sont parfois déroutants, mais toujours révélateurs du caractère breton : droiture, fraîcheur saline, fruits blancs, voire un côté salin peu courant ailleurs.

La Bretagne, laboratoire de coopération : défis communs et partages d’expériences

Concilier cohérence et durabilité en Bretagne, c’est aussi savoir avancer collectivement. La diversité des projets – des pionniers du Pays de Vannes aux néo-vignerons du Léon – encourage la mutualisation des savoirs et des pratiques.

  • Partage d’expérimentations : Réunions inter-domaines pour comparer les résultats des essais de conduite, tests agronomiques avec l’INRAE et échanges permanents entre collectivités, chambres d’agriculture et acteurs de la filière : les vignerons naviguent à vue, mais jamais seuls.
  • Montées en compétences : Formations en taille douce, cours de dégustation orientés spécifiquement sur la typicité bretonne, interventions de vignerons de Loire ou d’Alsace invités sur place.
  • Promotion collective : Foires et salons collectifs (La Fête de la Vigne à Redon, Les Journées du Vin Breton à Rennes) qui font rayonner la production locale au-delà des frontières régionales.

Ce sont toutes ces dynamiques, additionnées les unes aux autres, qui nourrissent l’émergence d’une identité viticole bio propre à la Bretagne.

L’avenir de la vigne bretonne bio : vers une authenticité durable et ouverte

Le chemin reste long, mais la Bretagne viticole avance à sa façon : petits rendements, vins encore peu produits (à peine 60 000 bouteilles/an sur l’ensemble du territoire en 2022, selon l’Association Résilience Vigneronne), mais une croissance rapide et, surtout, une volonté affirmée de construire une filière respectueuse de son environnement et de ses habitants.

  • La demande locale progresse, dopée par l'intérêt pour les produits bio, locaux et de plus en plus responsables.
  • Les défis à venir restent nombreux : accès au foncier, progression du réchauffement climatique, quête d’une reconnaissance officielle de l’indication géographique protégée – un chantier initié depuis 2018 avec la création d’un cahier des charges régional.
  • Plus que jamais, l’équilibre sera à trouver entre ouverture à l’innovation et fidélité à une identité terroir bretonne en pleine redéfinition.

La viticulture bio en Bretagne, ce n’est ni une mode, ni une simple alternative. C’est l’expression vivante d’un terroir qui se cherche et se trouve, d’une communauté qui place au cœur de ses bouteilles le goût du sol, le respect du vivant et l’ouverture à des horizons nouveaux.

Alors, prêt à découvrir ce que la Bretagne a à raconter dans ses verres ?

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