Voyage au cœur des vignobles bio bretons : les terroirs qui réinventent la Bretagne viticole

28/09/2025

La renaissance du vignoble breton : un contexte unique

Quand on évoque la Bretagne, on pense d’abord au cidre ou au chouchen. Pourtant, il suffit de feuilleter l’Histoire pour découvrir que la vigne a longtemps eu sa place sur ces terres. Dès le Moyen Âge, la culture du vin était bien présente, portée notamment par les abbayes et la demande locale. Mais les ravages du phylloxéra et les évolutions climatiques des siècles passés ont fini par l’effacer du paysage… jusqu’à aujourd’hui.

  • Entre 2010 et 2023, le nombre de vignerons professionnels a quadruplé en Bretagne (source : France Bleu Armorique, 2023).
  • Les premières mentions officielles de viticulture bio moderne en Bretagne remontent à 2006, avec l’arrivée des pionniers dans le Morbihan et en Loire-Atlantique (avant la création de l’IGP « Vin de Bretagne »).
  • En 2023, on compte près de 80 hectares de vignes exploités en Bretagne, dont environ la moitié en bio ou en conversion (source : Réseau Bretagne Vivante).

Les dynamiques récentes sont portées à la fois par la demande locale – des amateurs curieux de goûts nouveaux et authentiques – et par une prise de conscience environnementale très forte. Car produire du vin en Bretagne requiert d’autant plus d’attention au vivant et à la terre : ici, les maladies fongiques, l’humidité et la pression climatique sont des défis quotidiens. D’où le choix du bio, souvent quasi-naturellement adopté.

Les terroirs les plus actifs : où dénicher les pépites bio ?

La Bretagne administrative regroupe quatre départements : Ille-et-Vilaine, Morbihan, Finistère et Côtes-d’Armor. À côté, la Loire-Atlantique reste associée à l’histoire viticole bretonne, notamment via le Muscadet. Mais voyons, point par point, où se trouvent aujourd’hui les foyers de la vigne bio en Bretagne.

1. Le Morbihan, épicentre de la viticulture bio en Bretagne

C’est dans le Morbihan que l’on trouve la plus forte concentration de vignobles bio dynamiques. Trois secteurs sortent du lot :

  • Questembert et Pluherlin : Terre de pionniers, le pays Questembert voit naître les premières initiatives modernes dès 2005. Le Domaine de la Coche (37,5 hectares plantés en majorité en bio, propriétaires : Famille Branger – source Ouest-France) est sans doute le plus emblématique. Ici, Melon de Bourgogne, Cabernet Franc et Pineau d’Aunis composent des cuvées fraîches et minérales.
  • Arradon et Baden : À deux pas du Golfe du Morbihan, le domaine du Clos Duval expérimente des micro-parcelles en bio et en permaculture. Le climat océanique atténué permet de belles maturités, notamment sur le Chenin ou le Sauvignon.
  • Pays de Ploërmel : Plusieurs micro-domaines biologiques récupèrent d’anciennes terres familiales pour y installer de jeunes ceps de cépages résistants (Solaris, Souvignier gris). À noter, une dynamique de collectifs : La Vigne Enchantée, projet collectif labellisé bio dès la première vendange en 2021.

2. L’Ille-et-Vilaine : diversification et essor des micro-domaines bio

L’Ille-et-Vilaine est un département où la vigne a fait son grand retour via l’expérimentation, la curiosité et un goût prononcé pour l’innovation :

  • Domaine du Chai gagné à Saint-Suliac : Premier vignoble labellisé bio d’Ille-et-Vilaine (sources France 3 Bretagne). Sur les bords de la Rance, le chai vinifie du Chardonnay et même du Pinot Noir, en jouant sur la proximité maritime pour travailler la finesse. Ici, les vendanges manuelles et les traitements naturels sont la norme.
  • Côte d’Emeraude et Saint-Malo : Un collectif de vignerons développe la plantation du cépage Baco Noir, résistant naturellement au mildiou et à l’oïdium. Les sols sablo-limoneux, issus d’anciens dépôts marins, confèrent aux vins une inimitable touche saline.
  • Plusieurs micro-cuvées bio apparaissent autour de Rennes, souvent sur des terrains réhabilités après reconversion de prairies ou de vergers.

3. Le Finistère, entre expérimentation et tradition retrouvée

Vignobles du bout du monde, les initiatives finistériennes sont encore rares mais témoignent d’une forte volonté d’innovation :

  • Locquirec : Ici, le Clos de la Vallée Blanche surprend avec ses plantations de Souvignier gris et de Muscaris. Le domaine est bio, engagé dans la biodiversité et n’utilise aucun intrant de synthèse.
  • Presqu’île de Crozon : Un projet expérimental, mené en collaboration avec l’INRAE et le lycée agricole de Bréhoulou, teste depuis 2019 des cépages résistants (source : Le Télégramme). Les premiers essais montrent que le climat du sud Finistère, plus tempéré, permet de limiter les traitements et favorise une production très saine.
  • Le Collectif "Vignes en Finistère" travaille, depuis 2020, à fédérer les micro-vignerons pour accompagner leur conversion au bio et mutualiser les achats de matériel.

4. Les Côtes-d’Armor : un essor tout discret mais prometteur

Ce département commence tout juste à faire parler de lui dans la viticulture bio :

  • Plouha et Saint-Brieuc : Quelques micro-domaines de moins de 3 hectares, souvent issus de groupements d’agriculteurs bio, lancent les premières cuvées en 2022-2023, en s’appuyant sur des cépages hybrides et résistants (sources : Bretagne Vigne Association).
  • Un projet collectif porté par la Communauté de Communes vise à replanter la vigne sur d’anciens talus, pour lutter contre l’érosion et valoriser le patrimoine local.

5. Et la Loire-Atlantique ? Le berceau du Muscadet en mode bio

La Loire-Atlantique, historiquement considérée comme une pièce maîtresse du puzzle viticole breton, reste la référence avec le vignoble du Muscadet. Même si la région n’est plus administrativement en Bretagne, elle inspire nombre d’initiatives bio dans sa voisine du nord :

  • En 2023, près de 24 % du vignoble du Muscadet est certifié bio (Source : Agence Bio).
  • Les domaines Luneau-Papin, Poiron-Dabin ou Domaine de l’Ecu font figure d’exemples en matière de conversion bio, de respect du terroir et de dynamisme export.
  • Le modèle de coopérative bio (notamment à Clisson) est souvent cité en exemple par les projets bretons naissants.

Quels choix de cépages bio en Bretagne ?

Produire du vin bio en Bretagne implique une sélection rigoureuse des cépages, pour s’adapter à un climat exigeant (humidité, vents, amplitude thermique). Plusieurs types de cépages se distinguent :

  • Cépages résistants : Solaris, Muscaris, Souvignier gris ou Johanniter – nombreux domaines bretons privilégient ces variétés, réputées pour leur résistance naturelle au mildiou et à l’oïdium.
  • Cépages traditionnels du grand ouest : Melon de Bourgogne, Folle Blanche et Pinot Noir, dans les microclimats les plus abrités.
  • Cépages expérimentaux : Certains tentent le Chenin, le Sauvignon, ou de nouveaux croisements adaptés spécifiquement au terroir breton, en partenariat avec l’INRAE.

La diversité des cépages contribue à une plus grande résilience écologique, avec moins de traitements et une palette aromatique renouvelée : on trouve de plus en plus en Bretagne des blancs vifs et marins, des rosés fruités et même quelques rouges croquants. Le tout avec des arômes de fleurs blanches, d’agrumes, parfois de silex ou d’embruns salins – signature des sols bretons.

La viticulture bio bretonne : une dynamique collective et innovante

Au-delà des domaines individuels, le renouveau du vin bio en Bretagne repose sur plusieurs dynamiques collectives :

  • Réseaux de formation et d’entraide : De plus en plus de vignerons bretons s’appuient sur des réseaux tels que CIVAM Bretagne, Agrobio Bretagne ou Bretagne Vigne pour mutualiser l’achat de matériel, partager les expériences de terrain et promouvoir le bio.
  • Soutiens institutionnels : Plusieurs Communautés de Communes soutiennent la plantation de nouveaux hectares en bio, via des aides à la conversion ou à l’installation des jeunes agriculteurs.
  • Dynamisme en circuit court : 90 % des cuvées bretonnes sont vendues localement, en Amap, marchés ou bars à vins (source : Chambre d'Agriculture Bretagne), favorisant l’ancrage des vins dans leur terroir.

Anecdote : en 2023, le premier concours dédié aux vins bio bretons a eu lieu à Vannes, réunissant plus de 24 cuvées, alors qu’elles ne dépassaient pas 5 en 2017 (source : Le Télégramme).

Ce qui fait la force des vignobles bio bretons aujourd’hui

Les vignobles bio de Bretagne se distinguent par :

  • Une adaptation locale forte : Travail en sol vivant, haies préservées, parcellaire fragmenté, densité moindre pour limiter les maladies.
  • Un état d’esprit expérimental : Beaucoup de vignerons se lancent dans le vin comme on mène une aventure collective, ouverts à la co-création avec d’autres producteurs, parfois en lien avec l’agrotourisme, la culture ou la gastronomie locale.
  • Un engagement écologique authentique : Quasiment tous les vignerons bio en Bretagne vont au-delà du cahier des charges : faible utilisation de cuivre et soufre, vinifications naturelles ou en amphore, accueil de la biodiversité…

Face au changement climatique et à la recherche de nouveaux repères gustatifs, la Bretagne viticole bio propose une voie originale, ancrée dans la terre, les savoir-faire et la créativité. Si découvrir ces vins demande une part d’aventure (beaucoup sont produits en petites quantités, disponibles en vente directe ou sur certains salons spécialisés), c’est aussi l’occasion de profiter de rencontres humaines et paysagères rares. La promesse d’un renouveau gustatif, aussi iodé et attachant que la région elle-même.

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