25/09/2025
Avant d’aller à la rencontre des domaines bio, petit retour sur une histoire parfois oubliée : la Bretagne a bien eu, au fil des siècles, une tradition viticole. Aux portes de Nantes, les moines plantaient déjà la vigne au Moyen-Âge, des vignes poussaient aussi en Cornouaille et sur certaines îles bretonnes jusqu’au XIX siècle, avant le coup d’arrêt causé par la crise du phylloxera, l’exode rural et la concurrence des grandes régions viticoles françaises (source : Les Vins de Bretagne, Alain Le Berre, Ouest-France).
Mais c’est bien au XXI siècle que le renouveau prend de l’ampleur avec une motivation forte : réinventer un vignoble cohérent avec le climat breton, en privilégiant les cépages résistants, les pratiques écologiques et l’agriculture biologique. En 2023, on dénombre près d'une trentaine de domaines professionnels en Bretagne, dont une majorité sont en bio ou en conversion - un ratio remarquable à l’échelle nationale (source : Inter Vins Bretagne).
Petit tour d’horizon des principaux vignobles bio bretons, de la presqu’île de Quiberon à la baie de Saint-Brieuc, en passant par l’arrière-pays morbihannais. Découverte de leur philosophie, de leurs cuvées et de leurs promesses gustatives…
Le Domaine du Sulauze est sans doute le plus connu des exploitations bio bretonnes. Son engagement fut immédiat dès la (re)plantation en 2012, pariant sur des cépages résistants aux maladies (dits « PIWI ») qui permettent une viticulture sans traitement de synthèse. Ici, on travaille entièrement à la main, avec une forte présence de haies bocagères autour des parcelles — une vraie démarche agroécologique.
Leur blanc à base de Souvignier gris séduit par ses arômes de fruits blancs et une tension saline typiquement bretonne, tandis que les rouges (Cabernet Jura) oscillent entre fruits rouges et épices douces. Le domaine propose aussi des vins pétillants naturels, signatures rafraîchissantes de l’audace bretonne.
Côté chiffres, ce sont environ 10 000 bouteilles produites chaque année, principalement vendues en circuit court et dans quelques restaurants locaux de renom.
À Groix, depuis 2017, quelques passionnés ont fait le pari (un peu fou !) de réimplanter la vigne sur cette île balayée par les embruns. Les raisins bénéficient de l’effet modérateur de l’océan, qui tempère les variations climatiques. Tout est mené en bio, avec des traitements naturels préconisés contre l’oïdium et le mildiou.
Les vins produits sont encore confidentiels et distribués presque exclusivement sur l’île — un véritable ambassadeur local ! Les blancs, nerveux et floraux, sont à découvrir lors d’une escapade bretonne hors des sentiers battus.
Ici, à deux pas de la rivière Laïta qui fait la frontière entre Morbihan et Finistère, le Vignoble de Sainte-Anne prouve que le vin n’est pas qu’affaire de latitudes. Les parcelles sont entourées de prairies et de sentiers boisés, avec un sol de schiste et de granite typique de la Cornouaille.
Les vignerons misent sur des assemblages surprenants qui donnent des rosés croquants, des rouges fruités peu tanniques et des blancs équilibre subtil entre fraîcheur et suavité.
Côté engagement, le domaine accueille en saison des bénévoles en “woofing” et organise des ateliers pour sensibiliser aux pratiques bio en climat océanique.
À Bain-de-Bretagne, le Domaine Les Longues Vignes est un exemple rare de dynamique collective : ici, plusieurs familles cultivent ensemble la vigne sur d’anciennes terres agricoles. Leur mot d’ordre : la solidarité paysanne, l’entraide et le bio, bien sûr.
Leur cuvée “Vent d’Ouest” propose de beaux blancs élégants, avec une aromatique fruitée, relevée d’une pointe de minéralité due à la proximité d’anciens marais. Le domaine organise régulièrement des portes ouvertes et des ateliers de dégustation pour mieux faire connaître les cépages résistants et la réalité du métier de vigneron bio en Bretagne.
Les vignobles bio bretons n’ont pas cherché à copier les grandes régions françaises. Leur originalité vient justement :
Le résultat en bouche ? Souvent des vins blancs toniques, nerveux, sur le citron, la pomme, les fleurs blanches, avec de jolis amers, des rouges légers sur la griotte et parfois une petite touche iodée très locale. Les effervescents — méthode traditionnelle ou « pét nat » — séduisent les curieux et rappellent parfois un cidre sec, clin d’œil au patrimoine breton.
Ce que révèle ce nouvel élan ? Plus qu’une simple diversification agricole, la viticulture bio bretonne façonne une identité moderne, inventive et profondément ancrée dans le soin apporté à la terre. D’excellents vins naissent déjà. Mais l’aventure ne fait que commencer : le climat évolue, de nouveaux cépages sont encore à tester, et de jeunes vignerons rejoignent l’aventure bretonne chaque année.
Sur ces terres de caractère, la vigne compose un nouveau paysage sensoriel et culturel. Là où le granit tutoie l’océan, où le sel du vent se mêle à la verdeur des prairies, chaque bouteille raconte une histoire de passion et d’adaptation.
Amateurs de belles découvertes ou simples curieux, n’attends plus pour pousser la porte d’un domaine, partager un verre, respirer l’air du large et goûter, vraiment, à la Bretagne bio d’aujourd’hui !