La Bretagne, un nouveau terroir pour la viticulture bio : état des lieux des surfaces et enjeux

06/10/2025

Bretagne et vin : un retour en force après des siècles d’oubli

Surprenant pour certains, mais la Bretagne n’a pas découvert le vin hier. Dès le Moyen Âge, l’abbaye de Rhuys cultivait déjà la vigne dans le Morbihan, et le commerce du vin transitait par les ports de Nantes, Saint-Malo ou Lorient. Phylloxéra, concurrence des autres régions viticoles, évolution des goûts… le vignoble breton s’est toutefois peu à peu effacé à partir de la fin du XIXe siècle.

Depuis les années 2000, à la faveur du réchauffement climatique et d’un engouement pour les circuits courts, un mouvement de renaissance s’est opéré : de petites parcelles replantées, des passionnés, parfois néovignerons, qui osent, souvent avec la certification bio ou en conversion dès l’origine. La Bretagne se réinvente, bio oblige : ici, adopter une viticulture résiliente semble une évidence face à l’humidité et à la sensibilité de la vigne aux maladies.

Les surfaces viticoles bio bretonnes en 2023-2024 : chiffres, localisation et évolution

Des chiffres modestes, mais une courbe en pleine ascension

Commençons par la base : quelle est la surface totale plantée en vignes, et quelle est la part dédiée à la viticulture biologique ou en conversion en Bretagne ?

  • Superficie viticole totale : La Bretagne comptait environ 65 hectares de vignes plantées fin 2023, réparties principalement entre le Morbihan, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, avec quelques projets dans les Côtes-d’Armor (source : Syndicat des Vignerons-Artisans de Bretagne).
  • Part du bio : Plus de 80 % des surfaces viticoles bretonnes sont certifiées bio ou en cours de conversion (soit environ 52 hectares à fin 2023), selon l’Agence Bio et Bretagne Développement Innovation. Le reste est traité en agroécologie ou dans une logique de faible intervention.

À titre de comparaison : le vignoble nantais (limite sud de la Bretagne historique) dépasse les 10 000 ha, mais la dynamique bretonne se distingue par sa très forte proportion de bio, bien au-delà de la moyenne nationale (18,9 % des vignobles français étaient certifiés bio en 2023 selon l’Agence Bio).

Zoom géographique : où sont localisées les vignes bio bretonnes ?

  • Le Morbihan : Premier département viticole breton, il rassemble environ 30 hectares de vignes bio (ex : Bel Air, Arzhur, Domaine Les Longues Vignes à Arradon, Plumelec, Pénestin…).
  • Le Finistère : Environ 17 hectares, notamment sur la presqu’île de Crozon, dans la vallée de l’Aulne (projet Viv’art), autour de Quimper et dans les Monts d’Arrée.
  • L’Ille-et-Vilaine : Environ 12 hectares, dont les vignes de Saint-Suliac, Laillé, Vitré, le projet « La Vigne du Clos » à Saint-Lunaire, et quelques micro-parcelles.
  • Les Côtes-d’Armor : Encore très marginales (moins de 3 hectares), quelques plantiers expérimentaux sur le Trégor, le Goëlo ou à Saint-Brieuc.

À noter : quasiment toutes ces structures optent dès la plantation pour le bio et l’agroécologie ; nombre d’entre elles vont même plus loin, avec du vin nature, des cépages résistants, des pratiques à faibles intrants.

Une dynamique de croissance continue

  • Une évolution exponentielle : Entre 2019 et 2023, la surface totale des vignes bretonnes a été multipliée par presque quatre. (Données croisée Vignerons-Artisans de Bretagne et ODG Vin de Bretagne)
  • D’ici 2025 : Plusieurs projets en cours de plantation devraient porter la surface plantée à près de 100 hectares (exemples : extension du domaine de la Grange au Sud-Morbihan, nouveaux chais dans le Léon, microparcelles communales expérimentales).

Qui sont les acteurs de la viticulture bio en Bretagne ?

La nouvelle viticulture bio bretonne est une histoire d’énergie collective et d’engagement :

  • Néo-vignerons et reconversions : Beaucoup de porteurs de projets viennent d’autres horizons : ex-cadres citadins, agriculteurs cherchant à diversifier leur activité, collectifs citoyens (ex : Trinqu’en Ville à Vitré).
  • Mutualisation et coopératives : Plusieurs parcelles sont cultivées en commun, autour de modèles de sociétariat ou de SCIC (ex : Vignes de Rhuys, Crozon).
  • Pionniers historiques : Certains, comme les Vignes de l’Oust ou la Vigne de Bellefontaine à Concarneau, ont relancé la dynamique dès le début des années 2010.

Les conseils techniques sont assurés par la Chambre d’Agriculture, la Maison du Cidre ou encore Terre de Liens. Les vignerons bretons s’investissent aussi dans le réseau national des Vignerons Bio (FNIVAB) et coopèrent avec les universités locales pour sélectionner les cépages les mieux adaptés (souvent résistants aux maladies, comme le Solaris, le Johanniter, le Souvignier gris).

Pourquoi le bio, un choix logique en Bretagne ?

Le climat breton – doux, humide, tempéré – pose de véritables défis : l’oïdium, le mildiou ou la pourriture grise n’épargnent pas les jeunes vignes. Pourtant, c’est souvent le bio qui s’impose d’abord comme rempart : suppression des désherbants, couverts végétaux, adaptation du travail du sol pour limiter l’humidité, traitements à base de tisanes de plantes ou de cuivre à dose réduite.

  • Moins de chimie, plus de biodiversité : De nombreux domaines implantent des haies, créent des mares, laissent la place à la flore spontanée.
  • Sensibilisation et animation locale : Ateliers de taille ouverts aux habitants, vendanges participatives, journées portes ouvertes : le vin breton se vit comme une aventure collective.
  • Valorisation en circuits courts : Les vins bios bretons sont écoulés en majorité en magasins spécialisés, caves locales, AMAP ou restauration engagée (ex : Breizh Café, Les Viviers en Bretagne Sud).

Quelles perspectives pour la viticulture bio bretonne ?

Des enjeux d’adaptation et de reconnaissance

  • Reconnaissance officielle : Il n’existe pas encore d’Indication Géographique Protégée (IGP) « Vin de Bretagne », mais la démarche est en cours, et plusieurs cuvées arborent les mentions Vin de France ou Vin de Table.
  • Choix des cépages : Le contexte climatique pousse à l’adoption de cépages PIWI (résistants), mais certains rêvent de retrouver d’anciennes variétés locales, aujourd’hui presque oubliées.
  • Expérimentation et diversification : Vinification nature, mousseux à la bretonne, essais de Rosé des Abers, vins oranges… la créativité est au rendez-vous !

Impacts environnementaux et territoriaux

  • Valorisation des terres délaissées : Beaucoup de vignobles bio bretons se situent sur d’anciennes friches, dynamisant l’économie rurale.
  • Tourisme oenologique : Des balades viticoles aux vendanges festives, le vin bio devient atout de découverte locale : la Route du vin breton est en projet, en lien avec la Route du Cidre.
  • Éducation à l’alimentation locale : De nombreuses écoles découvrent, via la vigne, les principes de l’agriculture bio et de la biodiversité.

Vers une Bretagne vigneronne et bio, entre héritage et nouveauté

La Bretagne tisse une nouvelle histoire avec la vigne, portée par l’élan engagé et innovant des vignerons qui choisissent massivement le bio. Si les chiffres restent modestes à l’échelle nationale, la proportion de surfaces dédiées au bio y est exceptionnelle, et la dynamique de croissance n’est plus à prouver.

Ces vignes, souvent plantées à deux pas des embruns ou à l’orée des landes, racontent toute une région qui (re)découvre son terroir, son goût de l’aventure… mais aussi ses limites et ses expérimentations. Parce que la viticulture bretonne n’a jamais peur de sortir des sentiers battus, on peut s’attendre à voir pousser, dans les prochaines années, bien plus que des ceps : une nouvelle culture vigneronne ancrée dans la terre, le vivant et le plaisir.

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