L’enherbement est-il adapté aux conditions climatiques bretonnes ?

02/05/2025

Comprendre l’enherbement : une pratique au service de la biodiversité

L’enherbement, en viticulture, consiste à maintenir ou à semer des plantes herbacées entre les rangs de vigne au lieu de travailler le sol à nu. Ces plantes, souvent composées de graminées, légumineuses ou fleurs sauvages, apportent divers avantages :

  • Favoriser la biodiversité : une couverture végétale attire insectes pollinisateurs, auxiliaires naturels et autres formes de vie indispensable à un écosystème équilibré.
  • Limiter l’érosion des sols : les racines de ces plantes aident à maintenir la structure du sol, ce qui est particulièrement utile dans les zones à forte pluviométrie.
  • Améliorer la vie dans les sols : l'alternance racinaire stimule l’activité bactérienne et fongique souterraine.
  • Créer un effet de concurrence maîtrisée : l’enherbement réduit la vigueur des vignes, favorisant une meilleure concentration des raisins, ce qui est particulièrement recherché dans certaines régions chaudes.

Mais en Bretagne, les conditions climatiques invitent à nuancer ces avantages. On y vient !

Les spécificités climatiques bretonnes : un terrain à déchiffrer

Nous le savons bien ici, en Bretagne, la météo se joue souvent de nos plans. Entre pluies régulières, vent salin et des sols souvent acides, cultiver la vigne relève parfois du défi. Les vignerons bretons qui optent pour des cépages résistants comme le pinot noir précocement vendangé ou certains hybrides adaptés au climat humide montrent déjà leur capacité à faire preuve d’innovation. Alors, où se placer vis-à-vis de l’enherbement ? Réfléchissons.

1. La gestion de l’humidité

Le problème numéro un en Bretagne reste l’excès d'eau lié aux précipitations fréquentes. Un enherbement mal géré peut avoir des conséquences désastreuses. Les herbes absorbent l'humidité en surface, ce qui peut limiter les excès temporaires, mais elles maintiennent également une certaine fraîcheur au niveau du collet des vignes. Cela peut favoriser le développement des maladies cryptogamiques comme le mildiou ou l’oïdium, redoutées par les vignerons bretons.

2. Des sols souvent maigres

Les sols bretons, bien que variés, sont souvent maigres en matière organique et acides. L’enherbement peut, dans ce cas, constituer une concurrence directe pour la vigne en termes de ressources disponibles (eau et nutriments). Si les couverts végétaux ne sont pas correctement choisis (par exemple en privilégiant des plantes fixatrices d’azote, comme le trèfle), la vigne peut en pâtir. De plus, la saisonnalité joue un rôle clé : maintenir l’enherbement permanent en périodes estivales plus sèches pourrait aggraver le déficit hydrique dans certaines parcelles.

3. Le besoin d’un entretien rigoureux

L’un des écueils potentiels de l’enherbement en Bretagne réside dans l’entretien. À force de pluies et de températures douces, les couverts végétaux peuvent rapidement devenir envahissants s’ils ne sont pas maîtrisés. Or, en agriculture biologique, les moyens de réguler ces couverts sont plus limités : on évite les herbicides chimiques, et tout repose sur des solutions douces (tonte, roulage, semis adaptés). Cela demande de la main-d'œuvre et une planification précise — des ressources qui ne sont pas toujours accessibles à tous les producteurs bretons.

Quelques pistes d’adaptation pour nos terroirs bretons

Faut-il alors abandonner l’idée de l’enherbement en Bretagne ? Pas nécessairement. La clé réside dans l’adaptation. Voici quelques approches prometteuses :

  • L’enherbement contrôlé : en alternant des rangs enherbés et des rangs travaillés, le vigneron peut limiter la concurrence tout en profitant des bénéfices de l’enherbement.
  • Enherbement temporaire ou partiel : par exemple, privilégier des couverts végétaux uniquement en hiver et laisser le sol nu à l’approche de la saison des pluies pour limiter l’humidité excessive.
  • Choix des espèces adaptées : opter pour des plantes à croissance mesurée ou fixatrices d’azote, telles que le trèfle ou la luzerne, qui apportent des bénéfices aux sols sans aggraver les contraintes locales.
  • Techniques complémentaires : l’intégration de haies pour briser les vents, ou encore l’installation de bandes fleuries, favorise aussi biodiversité et équilibre naturel sans les inconvénients de certains enherbements mal pensés.

Enherbement et viticulture bretonne : doit-on vraiment choisir ?

Aujourd’hui, de nombreux producteurs bretons jonglent entre ces pratiques, dans une démarche d’expérimentation permanente. Des producteurs comme Gaec de la Cidrerie de Rozavern ou d'autres petites exploitations viticoles bretonnes commencent à intégrer ces pratiques par petites touches pour tester leur efficacité. Et c’est là, je crois, tout l’art et la richesse de cette viticulture bretonne moderne : s’adapter aux caprices du ciel et de la terre pour produire des produits uniques et authentiques, tout en respectant notre belle nature. À force d’essais et d’apprentissages, l’enherbement pourrait devenir un allié indispensable… ou alors, l’être uniquement dans certaines conditions bien spécifiques.

Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? As-tu déjà goûté un vin breton produit sur des parcelles enherbées ? Si oui, dis-moi en commentaire comment tu l’as perçu. En attendant, je t’invite à lever ton verre à cette belle région et aux efforts de celles et ceux qui travaillent dur pour en révéler les saveurs. À ta santé et à bientôt pour une nouvelle exploration en terres bretonnes !

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